Saint Roch, guérisseur de toutes les pestes
et maladies de peau.

Vie - Lieux de culte - Rayonnement...

 
 
 
 

 

SAINT ROCH
 
par Robert Régor Mougeot
Le Monde Inconnu n° 107, juillet-août 1989
 
« Notre revue a été heureuse de rencontrer Régor, l'auteur du livre
 
 
"Du Cheminement Initiatique Imagé par Saint Roch et sa Vie Exemplaire
 
d'après les Enseignements d'Emmanuel".
 
Elle a appris en effet que le Monde Inconnu était lié d'une certaine manière à cet ouvrage de base sur la vie des Saints par l'imagerie de la vie de ce saint particulier. Il n'a pas fallu prier longtemps Régor pour avoir quelques autres indications et révélations ! Il est si passionné par ce sujet... Tant par ses conférences que par son livre, le culte de saint Roch a été réanimé dans certaines provinces françaises, dans le Massif Central en particulier, où l'on n'a jamais autant vendu sa statue qu'à présent. »
 
Dans la cathédrale de Saulieu, nous étions quelques-uns devant la statue de saint Roch, un dimanche de printemps.
 
 
 


Basilique de Saulieu
 
Au retour, recherche de la signification des symboles : la jambe dénudée, la blessure à la cuisse, le chien tenant dans sa gueule une miche de pain, le bourdon, la coquille Saint-Jacques.
 
C'était tellement enthousiasmant que je souhaitais partager mes découvertes. Pourquoi pas ? Cela donna matière à un article pour la revue Le Monde Inconnu, à point nommée. Mais la matière se fit si dense que le scribe vit les pages se couvrir et l'article devenir livre.
 
L'image de saint Roch parla tant à mon coeur que je ré-entendis Les Chants et les Dits ainsi rapportés et qui avaient pris la forme de mots par la bouche d'Emmanuel (1) quelques mois auparavant lors d'Enseignements adressés aux pèlerins.
 
Aussi, vous êtes invités à boire à la Source qui de nouveau jaillit et guérit.
 
Il fut pendant très longtemps le saint le plus populaire des campagnes de France.
 
Les anciens se souviennent : les uns des pèlerinages de leur enfance à la source guérisseuse, pour le 16 août, comme à Lajo près de Saint-Alban, d'autres de la bénédiction du bétail lors des grandes foires ou des grands Pardons, comme à Pont-d'Ouilly dans le Calvados, d'autres encore des processions de leur enfance autour de l'église comme à Saint-Michel-de-Braspart.

 
Beaucoup connaissent encore le dicton populaire qui dit, de deux amis inséparables : "Comme saint Roch et son chien".
 
Le récit de sa vie éclaire de façon saisissante le sens de notre pèlerinage sur cette terre. « Il a tout dit en ne disant rien ». Il n'a laissé aucun écrit, aucune doctrine, il n'a fondé aucun ordre religieux, il n'a laissé aucun disciple connu. Pourtant son image est partout :
 
« L'écrit ne peut pas exprimer entièrement les paroles.
 
Les paroles ne peuvent pas exprimer complètement les pensées.
 
Les Saints Sages ont tracé les images pour exprimer complètement leurs pensées.(2) »
 
Pendant des siècles, le culte de saint Roch s'est répandu depuis Venise, dans toute l'Europe, surtout après le Concile de Constance (3).
 
Son intercession est utilisée pour demander la guérison lors des épidémies de peste (4). Il succède en cela à saint Antoine et à saint Sébastien (les saints n'ayant de l'un à l'autre aucune jalousie) et, plus anciennement encore, à Asklépios dont le culte était répandu à Rome : « Les caractéristiques et les fonctions des dieux païens furent reportées sur les saints chrétiens » car « les moyens d'expression varient, la structure reste la même.(5) »

 
 


Roch soignant un malade.
 
 
Fragment d'une fresque de Nicolaï Greschny,
église de Casedarnes (Hérault).
"San Roc Suègno e assisto lous paures pestiferats"//
http://home.nordnet.fr/~jrmasson/jean-roch/saintroch3.htm

 
Le nouveau calendrier l'a remplacé par saint Armel qui est également guérisseur de la peste (6).
 
Roch est né à Montpellier vers 1350 dans une famille noble.
 
Montpellier, dans la Langue des Oiseaux (2) : « tout ce qui à ma peau est lié », et saint Roch est le patron des mégissiers, des tanneurs de peaux.
 
Il est prié et imploré encore actuellement pour la guérison des maladies de peau à La Roche Posay, la bien nommée (2) . Mais que sont en vérité les maladies de la peau, de la carapace humaine ?
 
Montpellier est bâtie à l'ancien lieu dit Monte Pestelario (7) où un sanctuaire était dédié à la Vierge Marie sur la route de Saint-Jacques. Saint Roch est guérisseur de la peste et tant de pestes souillent l'humanité : « Un choléra plus redoutable encore, c'est le vice et le péché » dit une prière à saint Roch (8).
 
Le nom de Roch est chargé : il est le Héros (R-O) et le Héraut de la foi comme on peut le décrypter simplement (Air-Eau). Héros qui dans la chute (C : cassure originelle) reste conscient de son origine divine par le H (9). La huitième lettre de l'alphabet symbolise par sa graphie, comme le chiffre 8, que « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas », selon l'adage du Trismégiste.
 
Son père se prénomme Jehan (Jean, Yan : à rapprocher de Janus, le dieu aux deux visages à l'image de la manifestation duelle) et sa mère Libère (10 ou bien France (à rapprocher d'affranchie) (11).
 
Aussi véritablement noble est-il.

 
Très tôt, il fut orphelin, laissa tous ses biens aux pauvres et partit en pèlerinage pour Rome.
 
Rome, le contraire de « Mort ».
 
Qu'est le pèlerinage ?
 
Le poète chante justement :
 
« Au paradis, paraît-il mes amis,
 
C'est pas la place pour les souliers vernis.
 
Dépêchez-vous de salir vos souliers,
 
Si vous voulez être pardonnés. (12) »
 
« L'errance est la condition de l'homme sur terre ». C'est un choix nécessaire. Mais qu'est l'errance véritable ? Pourquoi induit-elle la santé physique et psychique, et pourquoi le refus de l'errance est-il la cause réelle de bien des maladies ?
 
« L'expatriement du Connaissant est l'expatriement par excellence, car il est étranger en ce monde et (sera) étranger dans la vie future.(13) »
 
Certains, reprenant leur bâton de pèlerin, guérissent ainsi plus sûrement qu'en suivant leurs prescriptions !
 
Sur son chemin, Roch rencontre les épidémies de peste et s'arrête pour soigner les malades.
 
En ces temps de désolation, « la charité était morte (14) ».
 
« La peur de la mort paralysait tous les autres instincts. Le père abandonnait ses enfants, la femme son mari, un frère son frère. Chacun vivait dans une angoisse continuelle.(15)»
 
Roch frappe de stupeur ses contemporains par son abnégation. Il soigne et guérit au nom de Jésus-Christ.
 
Mais il attrape à son tour la maladie et ceux qu'il avait guéris le chassent hors de la ville de Plaisance (le lieu de sa plaie). Comme pour Job, l'épreuve est scandaleuse.
 
A vouloir soigner les autres, on attrape leurs maladies. Ceux qu'il avait guéris l'étaient-ils réellement puisqu'ils le chassaient ?
 
Suffit-il de guérir le corps ?
 
Qu'est le mal, la maladie ?
 
« Mal au dit du Seigneur, la maladie. »
 
« Conçois les objections de ton corps comme les indices de la trahison de l'âme individuelle vis-à-vis de l'Ame Universelle. (16) »
 
Allez jusqu'au bout, guérir du désir de guérir, guérir du désir de vouloir guérir les autres.
 
N'est-il pas bon parfois d'être malade ?
 
Roch se retire dans les bois. Là, il reçoit le secours de l'ange et du chien : une source jaillit. Le chien du seigneur voisin vole tous les soirs un pain à son maître pour l'apporter à l'ermite.
 


Roch secouru par le chien.
Fragment d'une fresque de Nicolaï Greschny,
église de Casedarnes (Hérault).//
http://home.nordnet.fr/~jrmasson/jean-roch/saintroch3.htm

 
Qu'est l'épreuve de la Caverne que l'on retrouve dans toutes les traditions ?
 
Roch est associé au Rocher (« Yahvé est mon Rempart, mon Rocher », chante le psalmiste) et à l'eau, à la Source guérisseuse ; celle que Moïse et tant d'autres saints, comme sainte Odile (17), font jaillir dans le désert.
 
Que sont les secours divins ? Qu'est l'Ange ? Qu'est l'animal magique qui secourt Roch, semblable à Qitmir, le chien de la Caverne des Sept Dormants (18) ?
 
Ce chien chasse aussi son seigneur, le seigneur Gothard, de sa demeure terrestre. Voyez là le grand art de Dieu (3).
 
Saint Roch « fit sérieuse réflexion sur la conduite merveilleuse de Dieu qui, au défaut des hommes, se sert des bêtes pour secourir dans le besoin ceux qui ont recours à son assistance. (19) »
 
La Constellation du Chien se trouve au voisinage du soleil.
 
« La correspondance symbolique qui existe entre l'anatomie du ciel physique et celle de la terre nous laisse à penser que le chien est proche du dieu avec lequel l'Homme retrouve sa totalité. (20) »
 
L'Animal Magique est l'un des chiens qui nous mène (21). Il est le relais du Guru intérieur. Mais qu'est le Serviteur de Lumière, celui qui revient dans la prison du corps par Compassion pour aider l'humanité en donnant une initiation d'origine « non humaine » ?
 
« Il n'y a aucune différence entre Dieu, le Guru et le Soi. (22) »
 
Qu'est-ce que la guérison ?
 
Le prêtre bénit, le médecin soigne, mais qui guérit ?
 
L'ignorance, l'aveuglement ou l'orgueil peuvent nous faire croire que c'est l'ordonnance, le médicament, le médecin :
 
« La Chasse aux Microbes n'aboutit jamais à la destruction définitive de ceux-ci, tandis que ne sont cependant jamais totalement généralisées, ni les maladies, ni la disparition des humains. (23). »
 
Qu'est la Libération dont tant de Traditions parlent ?
 
Le Libéré n'est jamais libre, il est « le parfait esclave du Seigneur ».
 
Roch guérit par la grâce de Dieu et l'Ange du Seigneur lui dit : « Retourne chez toi. »
 
Où faut-il qu'il aille ?
 
Une prière du Pèlerin à saint Jacques se termine par ses mots :
 
« afin que, guidé par Vous, nous atteignions avec certitude notre but et revenions sain et sauf à la maison. (24) »
 
Il ne s'agit pas de faire retour à toutes nos maisons, prisons familiales, professionnelles, mais à « la Maison du Père. »
 
 
 
Qu'elle est notre Patrie véritable ?
 
La statue de saint Roch le représente dénudant sa jambe et montrant la cicatrice de sa cuisse. « Seul le Seigneur peut dévoiler sa jambe ou permettre à ses Saints de le faire » répète le Connaissant à la suite de Ghazali commentant le Coran (25), à la suite de Maître Eckhart qui enseigne : « On ne laisse pas volontiers toucher ni voir une chose très sainte sans qu'elle ne soit voilée. (26) »
 
Cependant saint Roch montre aussi la plaie guérie de celui qui, arrivé au bout de son « Pèlerinage vers le Champ des Etoiles, est mort à lui-même, mort à sa relativité, mort à toute relativité. (27) »
 
Il reprend la route de Montpellier. En chemin, il est arrêté comme espion et emprisonné, refusant de dire qui il est. Il meurt au fond de son cachot au bout de cinq années. Sur sa tombe, l'ange laisse cette inscription :
« Ceux qui, frappés de la peste, auront recours à l'intercession de saint Roch, guériront de cette maladie.(19) »

Faut-il connaître la souffrance, la maladie, la prison pour atteindre Dieu ?
Est-il besoin pour cela de mépriser son corps, de se faire souffrir ?
Dieu n'est pas un tortionnaire.
La vie de saint Roch est exemplaire, mais aussi dans le sens d'un exemple qui n'est pas à suivre en tout. Saint Roch est sans doute marqué par son conditionnement. On sait que la planète Saturne en Sagittaire induit la vie monastique, le voyage intérieur. La cuisse est gouvernée par Jupiter, le genou par Saturne. Le goût, au négatif, pour la solitude et l'ascèse, viennent peut-être du signe du Capricorne. C'est en dépassant tout ce conditionnement que l'homme retrouve sa nature véritable.
 
Comment aller jusqu'au détachement, puis, encore au-delà, jusqu'au Détachement du détachement ? Pendant des siècles, saint Roch a été guérisseur :
« Il a été trouvé juste et parfait, il est devenu, au temps de la colère, la réconciliation des hommes, et dans la tentation, il a été trouvé fidèle, c'est pourquoi le Seigneur a juré d'établir sa gloire parmi son peuple, et jusqu'aux extrémités du monde. (28) »
 
Peut-être l'époque actuelle redécouvrira-t-elle bientôt que l'Energie de saint Roch peut guérir de toutes les pestes, et en particulier, de la plus récente qui frappe l'homme dans et par sa force, sa puissance et sa virilité dont le symbole est justement la jambe, la cuisse. (29)
 
L'un des Chants de saint Roch dévoile l'alchimie qui s'opère :
 
« L'Eau de la Source et le Feu du Ciel,
 
Foyer de l'Eau,
Foyer du Feu,
Roc.
Pointe de Feu dans l'Eau,
Saint Roch,
Pointe de l'Eau dans le Feu
L'Eau dans le Feu nettoie et assimile.
Devant toute église, une Source
Et pour toute Source, la chaleur de la Vouivre
De même en toi
De même en tous.
Comprends. »
 .


Tableau de Pier Francesco Mazzuchelli, XVIIe s., Morazzone.

Notes :
1 - On connaît de lui, outre les ouvrages cités dans le présent article : Le Message des Tapisseries de la Dame à la Licorne, Le Bréviaire du Chevalier, Le Son du Désert, De la Belle et la Bête à l'Androgyne, ou Diane à la Licorne, aux Editions du Point d'Eau, et L'Esotérisme du Petit Prince, Ed. Nizet.
2 - Grand Commentaire du Yi King, le Livre des Transformations.
3 - Voir Hiéroglyphes Français et Langue des Oiseaux (Emmanuel), Ed. Le Point d'Eau, 1982.
4 - Au Bénin et à Bahia, saint Roch est syncrétisé avec Omolou (Obalayé), le Dieu de la variole. Voir Orisha - Les Dieux Yorouba en Afrique et au Nouveau Monde de Pierre Fatumi Verger, Ed. A. M. Métaillé, 1982, p. 214.
5 -Mnémosyne ' Parallèle entre Littérature et Arts Plastiques - Mario Praz, Gérard-Julien Salvy Editeur, Paris, 1976, p. 70-71.
6 - Voir La Tragédie de Saint Armel de Jean Beaudeville.
7 - Saint Roch, Pèlerin de Dieu, Secours des maladies - Bande dessinée, Les grandes heures des chrétiens - Ed. Univers Média, p. 19.
8 - Notices, Prières et Cantiques du Pèlerinage - Chapelle Saint-Roch à Pont-d'Ouilly, Calvados.
9 -Voir L'instruction du Verseur d'Eau - Karuna (Platon), Ed. du Point d'Eau, p. 101 et suivantes.
10 - Vita Sancti Roch - Autore Diédo, 1478.
11 - Vita Sancti Roch - Autore Jean Pin, 1516.
12 - Moi, mes souliers, chanson de Félix Leclerc.
13 - Les Etapes des Itinérants vers Dieu - Traduit de l'Arabe ' Chemin de Dieu, Islam-Simbad Paris, p. 213.
14 - Guy de Chantiac, médecin du pape, XVème siècle.
15 - Agnolo de Turin, chroniqueur, XVème siècle.
16 - Le Livre de la Santé - Emmanuel (inédit).
 
17 - Voir Les Grandes Légendes de France - Edouard Schuré ' Ed. de Neustrie, Caen, 1985, p. 26.
 
18 - Sourate Al Kaft - Coran. Voir : La tradition des Sept Dormants, F. Jourdan, Ed. Maisonneuve et Larose, 1983.
 
19 - Vie des Saints et Bienheureux - Baudot et Chaussin ' Ed. Letouzey et Amé, Paris, 1950.
 
20 - Le symbolisme du corps humain - A. de Souzenelle, Ed. Dangles, 1977, p. 171.
 
21 - Voir La Chasse sacrée, Noble science de Vénerie - Emmanuel ' Ed. Le Point d'Eau, chap. « Les Chiens », p. 73.
 
22 - L'Evangile de Ramana Maharsi - Le Courrier du Livre, 1970, p. 63.
 
23 - La Chasse sacrée, Noble science de Vénerie - Emmanuel ' Ed. Le Point d'Eau, note p. 308.
 
24 - Prière du Pèlerin à Saint Jacques - Abbaye Sainte-Foy de Conques.
 
25 - La Perle Précieuse - Commentaire d'Al Ghazali, Ed. Les Deux Océans, 1986.
 
26- Sermons - Ed. du Seuil, Paris, 1974, tome I, p. 173.
 
27 - Voir p. 80 du Livre de saint Roch, « Vers le Champ des Etoiles ».
 
28 - Antienne des deuxièmes Vêpres, « Office de saint Roch », Jouaust et Fils, Paris, 1863.
 
29 - Voir le symbolisme de la jambe et de la cuisse chez les Bambaras dans La Société d'Initiation Bambara, le N'Domo, le Koré - Dominique Zahan, Ed. La Haye Mouton, Paris, 1960, p. 172 à 174.



 

 

Saints protecteurs des campagnes d’Auvergne

 

par Jacques Richard

 
Une chapelle entre sorbiers et trembles.
Une clef très lourde. Une porte qui grince.
Quelques bancs… Dans la pénombre, sur un autel latéral, jambe malade dévoilée, un ange à gauche et de l’autre côté un petit chien à la miche de pain entre les dents, saint Roch, protecteur des montagnes d’Auvergne, pèlerin de bois aux couleurs passées, regard posé sur l’infini…
Si les médecins de jadis avaient su combattre la peste, saint Roch ne serait pas ici. Mais contre le mal, les gens d’Auvergne n’avaient qu’un recours : le ciel. Ils croyaient les saints de pierre ou de bois doués de pouvoirs miraculeux, et capables en tout cas d’intercéder auprès du Bon Dieu. Longtemps, en cas de peste, c’est saint Antoine et saint Sébastien qu’ils invoquèrent.
 

 
 
 
Orbeil – Puy-de-Dôme.


 
Le chien de saint Roch
 
Mais au début du XVI e siècle, du Forez à la Combraille, on commence à raconter qu’un enfant du Languedoc, saint Roch, allant en pèlerinage à Rome, a guéri des pestiférés et que, atteint à son tour, à Plaisance, il a survécu au mal. Miracles anciens déjà, puisque saint Roch, né en 1350 - nous dit A. Fliche- est mort en prison vingt-neuf ans plus tard .
Le nouveau thaumaturge va connaître en Auvergne une popularité immense.
En 1529, saint Roch est adopté. Le 4 septembre, la peste fait rage à Montferrand ; une messe est célébrée, selon la coutume, en l’honneur de saint Sébastien, mais le même jour, dans une autre église, une seconde messe est dite en l’honneur de saint Roch. Précaution double, qui semblera raisonnable aux Auvergnats pendant au moins un siècle. Quant à saint Antoine, il va se trouver délaissé. De ces années date le saint Roch de bois doré de l’église Saint-Pierre d’Arlanc, peut-être la plus ancienne statue de ce saint en Auvergne .
La terrible épidémie de 1629-1632 donne à saint Roch une sorte de monopole de la protection et de la guérison, et elle suscite l’apparition dans les églises de la majorité des statues de saint Roch qui s’y trouvent aujourd’hui. Désormais, le 16 août, fête du saint, et chaque fois qu’il y a péril, on dit des messes dans toute l’Auvergne et, pour empêcher la peste d’approcher, on chante sur un air de cantique :
 
 
Grand saint Roch, notre unique bien…
Détournez de nous la colère céleste,
Mais n’amenez pas votre chien,
Nous n’avons pas de pain de reste…
 
L’anecdote du roquet qui volait chaque jour une boule de pain au seigneur de Plaisance pour nourrir le saint pestiféré, tout seul dans la forêt, impressionne les paysans d’Auvergne. En ce XVIIème siècle où se multiplient les effigies du saint, en bois polychrome ou doré selon la richesse des donateurs (et jusqu’aux simples croix de carrefour, dites « de saint Roch », qui obligeront la peste à « rembourser chemin », comme on dit dans ces montagnes), le chien ajoute à la statue une note familière, le détail qui permettra au fidèle le moins exercé d’identifier à coup sûr le saint. Il rend moins difficile la communication avec ce « Monsieur Saint Roch » que le sculpteur du village a façonné en s’inspirant de quelque xylographie pieuse ou d’une statue savante qu’il a pu apercevoir à la ville, pèlerin archétypique très rarement vêtu à la façon des campagnes, étranger de passage, un peu intimidant.
 
Eloquence des signes
 
Dans ces œuvres rustiques, la technique, sans doute, est pauvre. Involontairement, l’économie des moyens réduit le vocabulaire plastique à quelques signes, mais ces signes ont plus d’éloquence que le bavardage imitatif le plus habile. L’auteur anonyme du saint Roch de Rouaires a peut-être eu un modèle sous les yeux, mais, n’étant pas assez adroit pour le copier, il n’a pu l’imiter ; il a dû tirer de lui-même le secret d’une création originale souvent sans lendemain. Cependant, le miracle s’est accompli, et ce miracle, à Pérignat-sur-Allier, à Orbeil, à Rouaires, a fait passer sur le visage de saint Roch une lumière étrange.
 


Bois polychrome. XVIIème siècle
(Photo Jacques Richard)
 

C’est à un sculpteur de village tout à la fois gauche,

naïf et profondément inspiré,

qu’est dû ce saint Roch de Rouaires,

chef-d’œuvre de l’art populaire de basse Auvergne.
 
Ces sculptures ne sont presque jamais signées, mais on remarque comme un air de famille entre certains saint Roch : ceux de Job, de Vertolaye, de Granval, de Mayres, sont de la même main, à moins qu’ils ne proviennent d’un même atelier régional, qui devait fonctionner au temps de la grande peste de 1630.
A peine trouve-t-on trace des sculpteurs sur bois ou des ébénistes à qui furent confiés des travaux délicats : à Champeix, Antoine Sureau ; à Combronde, Forgerel ; à Olliergues, un artisan nommé Fougadoire, chargé d’exécuter en 1722, « l’image de saint Roch, environ de trois pieds, qui sera dorée ». Cette statue allait être mise au bûcher en 1793, ainsi que trois autres, « représentant ces cy-devants saints ».
 


Pérignat-sur-Allier – Puy-de-Dôme.


 
Les statues meurent aussi
 
La Révolution en fit disparaître des dizaines, mais les destructions les plus effroyables furent le fait des soldats huguenots du capitaine Merle, avant et après 1575. C’est par la faute des iconoclastes que, à quelques exceptions près, les plus vieux saint Roch d’Auvergne, ceux qui furent sculptés entre 1529 et 1575, ne sont pas parvenus jusqu’à nous. L’insouciance de certains prêtres portés à jeter ou à vendre les «vieilleries», la neige et la pluie fatales aux images de bois placés sans protection dans des niches au long des chemins, les insectes rongeurs, le zèle excessif des fidèles qui avaient trop souvent le pinceau à la main pour répondre aux ordonnances épiscopales qui imposaient que les statues fussent « remises à neuf » - quand ce n’était pas détruites « à cause de leur difformité » (comme disait Mgr Bochard de Charon)-, tout cela a fait que beaucoup de saints de bois ont été à jamais perdus.
A Plaisance, saint Roch survécut à la peste. En Auvergne, son culte a survécu aux grandes épidémies du XVIIème siècle.
Dès le XVIIIème, la peste s’étant éloignée pour toujours, saint Roch fut (tout comme saint Antoine) reconverti en protecteur des troupeaux, et son empire sur les maladies des hommes presque partout oublié.
Avant saint Roch, le grand saint vétérinaire de l’Auvergne était saint Blaise, dont le culte resté vivant dans le sud-ouest et l’ouest du Puy-de-Dôme (l’une des plus belles statues de saint Blaise se trouve à Ennezat). Mais dans le Forez, le Livradois, la Comté, saint Blaise a été évincé par saint Roch, que les fidèles des montagnes honorent encore, chaque 16 août, espérant de lui la santé du bétail et la paix des champs.
 
 
Verny le vigneron
 
Dans les terres les plus chaudes où pousse la vigne, on a, depuis toujours, d’autres coutumes.
En Limagne, c’est entre saint Isidore et saint Vincent que laboureurs et vignerons partagèrent tout d’abord leurs dévotions agraires. Cela jusqu’au XVIIème siècle. Alors apparut tout à coup un saint nouveau, d’origine allemande. Nommé Werner dans la vallée du Rhin, adopté par les viticulteurs de Franche-Comté et de l’Auxois qui l’avaient rebaptisé Vernier, il devenait l’idole des vignerons d’Auvergne, qui changèrent ce Vernier en Verny.
(…)
Souvent, au pied du saint vigneron, est assis un petit chien qui n’a rien à faire là : le sculpteur l’a ajouté parce qu’il a vu, ailleurs, un chien accompagner saint Roch et qu’il ne veut pas que saint Verny puisse en être jaloux.
(…)
Saint Verny a quelque-fois perdu, dans ces épreuves, sa pioche ou son « bousset », que l’on a remplacé, en toute simplicité, par une pelle d’enfant ou un tonnelet-souvenir achetés au bazar le plus proche… Parfois encore, la statue tout entière est tombée en poussière. Un autre a pris sa place. Et chaque fois qu’on rencontre, dans une église de Limagne, un saint Verny du XIXème siècle, il y a beaucoup de chance que cette statue ait été substituée à une autre plus ancienne, plus belle, détruite ou volée. Ce qui est vrai également pour les statues de saint Roch.
 
 
Hors du temps
 
Sans doute, le souffle du génie n’est pas passé sur tous les ateliers de village où le granit, le basalte, le cœur de chêne se transformaient en images tutélaires.
Mais plus d’une fois, l’artisan anonyme qui travaillait à la commande et réussissait le saint Roch aussi bien que le coffre à sel, avec la même conscience et la même ambition limitée, prenant sans s’en inquiéter d’immense liberté avec le modèle proposé, atrophiant les jambes du saint patron parce que la pièce de bois qu’il sculptait était trop courte, empruntant à peine à la mode bourgeoise et se répétant sans souci des styles qui, ailleurs, évoluaient, a donné le jour à des chefs-d’œuvre secrets, toujours ingénus et sincères, qui échappent aux repères de la chronologie et aux courants de l’histoire de l’art, et s’inscrivent seulement dans la longue tradition d’un art parallèle, hors du temps, populaire…
 

 

 



Les attributs de Saint Roch.
 

 

Dans nos églises, les statues donnent toujours les mêmes attributs à Saint Roch : la cape et le bâton du pèlerin avec, très souvent, la coquille Saint-Jacques, puis l'Ange et le Chien. De plus il découvre sa jambe pour montrer la blessure de sa cuisse.
 
 
 
"Roch est toujours figuré comme un homme dans la force de l'âge, d'une stature élevée et portant la barbe (comme il convient à un voyageur). Son costume est celui du pèlerin : long manteau agrafé à la hauteur du cou et quelquefois orné de coquilles, surtout dans les œuvres modernes; tunique serrée à la taille par une courroie; molletières d'étoffes emprisonnant les jambes; grand chapeau de feutre à larges bords relevés sur le devant, et comme accessoires : long bâton quelquefois surmonté de la gourde traditionnelle et sac de toile porté en bandoulière…
 
 
 

 
Peu de Saints ont joui et jouissent d'une aussi large notoriété, ont été et sont l'objet d'une aussi grande vénération."
(Esquisse d'une iconographie de Saint - Emile BONNET - Mémoire de la Société Archéologique de Montpellier - 1922)
 
Dans la préface du petit fascicule publié à l'occasion de l'exposition Saint Roch en Corrèze, l'évêque de Tulle écrit :
"Il tient une place de choix, son courage plein d'audace en face de la terrible peste qui ravageait son temps lui a donné un crédit peu commun. Ses gestes et son service des malades ont eu trop de grandeur pour tomber dans l'oubli. Il a inspiré une telle confiance qu'on a bâti en son nom des églises, qu'on lui a rendu un culte passionné, que les artistes ont inscrit pour toujours dans le bois et la pierre ce portrait aux allures si évocatrices de l'Evangile."
(Saint Roch en Corrèze du XVIème au XXème siècle - Exposition Château de Fadière - 1969 - Préface de J.B. BRUNON)
 
 
Dans certaines hagiographies, on fait venir son nom de Roctch, en latin rubens, rouge.
 
"Il était vêtu d'une tunique rouge recouverte d'un manteau d'étoffe grossière."
(La vie de Saint Roch - Pierre Louis MALDURE et rapportée par Sirius au 16 août. Office Saint Roch - Paris - 1670)
 
Le rouge est la couleur de la peste, et les pestiférés devaient, pour prévenir les autres de se prémunir contre la contagion, porter la rouelle, morceau d'étoffe rouge accroch à l'épaule. Rouelle est le nom donné, dans le Sud-Est de la France au coquelicot. Comme les juifs sous l'occupation étaient contraints d'arborer l'étoile jaune, Roch a dû porter le signe devant lequel tout le monde fuyait.
 
 



 


 

 

Saint Yann Diarc’hen,
un prédécesseur breton de saint Roch !




 
Prédécesseur de saint Roch en bien des points, Yannig, petit Jean en breton, est né dans le Finistère, vers 1279 dans une famille pauvre.
omme Roch, il est orphelin très jeune, entre en apprentissage
et se montre adroit et pieux.
Il est ordonné prêtre à Rennes en 1303 et nommé recteur près de Rennes. Il vit très pauvrement, marchant pieds nus comme les moines mendiants et distribue ses revenus aux pauvres, ce qui le rapproche encore de Roch. Après 13 années de paroisse, il entre chez les Franciscains Cordeliers à Quimper. Comme saint François, il porte un habit de grosse toile grise et marche pieds nus.
Il est totalement donné aux pauvres pour qui il organise l’aumône du pain surtout pendant le siège de Quimper et les famines sévissant en Cornouailles. Durant la peste de 1349, il organise les secours, soigne les pestiférés et enterre les morts.
Atteint du mal, il meurt le 15 décembre 1349.
 

 Il fut considéré comme saint par la ferveur populaire et appelé actuellement saint Jean Discalceat, Discalceat n'est pas son nom, mais un qualificatif dérivé du latin Discalceatus signifiant "déchaussé" car il marchait pieds-nus. En breton, il est appelé Yann Divoutou ou "Yann Diarc'hen", ce qui signifie Jean sans sabots.

 
 
 Il est connu également sous le nom de santig Du, « petit saint noir ».
Il fut
enterré en son couvent quimpérois, sa tombe devint un lieu de pèlerinage.
 
 Très populaire en Bretagne, « Santig Du » est le patron des pauvres. Dans la cathédrale de Quimper, près de sa relique, une tablette reçoit encore du pain déposé là par des anonymes et récupéré par des personnes dans le besoin. Cette pratique originale remonte au XVe Siècle.

Un vitrail lui a été consacré à la Cathédrale de Quimper en 1993.  
Dans la cathédrale, un pain est toujours posé dans sa main droite.
 
Orphelin très jeune, comme Roch, 
il passe sa vie dans l’absolue pauvreté 
en distribuant ses biens aux pauvres. 
 
Comme Roch, il soigna les malades de la peste
et fut lui aussi atteint du mal,
mais il n’en guérit pas. 
 
Canonisé par la ferveur bretonne, 
peut-être ne lui a-t-il manqué sans doute
qu’un chien comme compagnon 
pour voir sa notoriété s’étendre…
 


 

 

 
      
 

 
 
 

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